Interview
05.03.2021
Transformation des organisations : le point de vue du CEO
Point de vue du CEO : Carlos Verkaeren partage son expérience de la transformation du Groupe Poult
Phusis souhaite partager les témoignages de dirigeants qui ont transformé leur organisation afin qu’ils partagent avec leurs pairs leur vécu, leur analyse et leurs conseils. Première interview avec Carlos Verkaeren sur la transformation du biscuitier français Poult.
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Carlos Verkaeren
Qu’auriez-vous aimé savoir avant de vous lancer dans le projet de transformation du groupe Poult ?
“Il y a deux éléments de la transformation que nous avons sous-estimés et que j’aurais abordés différemment avec le recul. Le premier est l’impact de la transformation sur l’encadrement des managers et des cadres supérieurs en particulier. Lorsque l’organisation devient plus collaborative, elle remet question le pouvoir, l’influence et la zone de confort des managers en général. Cela a posé de vrais problème dans le processus de transformation. J’aurais aimé mieux anticipé cela.
Le second est la formation des collaborateurs. Nous avons démarré le projet sans trop savoir l’ampleur qu’allaient prendre les formations pour accompagner les gens dans la compréhension et l’application de leurs nouvelles responsabilités. Donner du pouvoir de décision et d’arbitrage à des personnes qui n’ent ont pas l’habitude sans leur donner les clés nécessaires pour les aider à les gérer serait leur faire un cadeau empoisonné”.
Que feriez-vous différemment ?
“En ce qui concerne l’encadrement des managers, nous aurions dû faire davantage de pédagogie en amont, expliquer le pourquoi du comment en quelque sorte. Nous aurions également pu travailler sur le point qui était sans doute le plus important : aborder, de façon opérationnelle, leur rôle et leur fonction après la transformation.
Il est primordial que chacun comprenne pourquoi l’organisation se transforme, mais aussi leur rôle dans tout cela : un rôle qui est plus celui d’un leader que d’un manager au sens classique du terme. Nous aurions dû nous entretenir à ce sujet avec chacun d’entre eux, un par un, afin de construire leur nouvelle fonction ensemble pour qu’ils démarrent plus sereinement l’aventure en se disant “J’ai ma place dans ce projet et c’est une place qui compte” ”.
Quels défis ont émergé durant la transformation ?
“Certaines résistances, de la part de collaborateurs ou des représentants syndicaux ont fortement perturbé l’atmosphère générale dans l’entreprise. Il a fallu faire face à ces résistances qui ont été difficiles à gérer. Nous avions fait le grand saut, plus question de revenir en arrière. En tant que CEO, mon rôle était de maintenir le cap, de faire preuve de fermeté tout en restant ouvert au changement du mode opératoire de ce que l’on est en train de faire. J’étais le garant de la transformation et en tant que tel, je devais accepter l’idée qu’une telle aventure comporte des hauts et des bas.
J’ai passé beaucoup de temps à faire ce que l’on appelle du walking management pour parler avec les gens sur le terrain, répondre aux questions et parfois débloquer des situations un peu délicates. L’un des autres rôles du CEO consiste également à être tolérant et ouvert à l’échec. Quand une expérience ne se déroulait pas comme prévu en raison d’incompréhension, d’erreurs ou de problèmes d’organisation, nous en parlions en équipe.
Tous les 15 jours, nous nous réunissions pour faire le point, partager les erreurs commises afin de les désacraliser, de les corriger, mais aussi de dédramatiser certaines situations. Libérer la parole et capitaliser sur l’intelligence collective sont clés. Quand on avance, il faut laisser de la place à l’incertitude. Nous ne sommes pas partis avec une feuille de route précise, il nous a semblé important de laisser l’organisation respirer pour inventer son propre chemin.
Si nous avons rencontré des réticences au niveau du management, nous avons également senti un engouement très rapide de la part des employés et des ouvriers des terrain. Cela a donné naissance à un changement très positif, une espèce de tsunami qui a embarqué tout le monde sur son passage. Je ne m’attendais pas à autant d’adhésion de la part de l’ensemble des salariés de terrain (près de 70%) et, finalement, la pédagogie autour de la transformation est passée par les conversations que les employés avaient entre eux”.
Qu’est-ce que cela a impliqué de votre part en tant que CEO ?
“Il y a des points de vigilance auxquels veiller et notamment identifier rapidement les gens qui freinent, voire vont à contre courant, du projet de transformation. Dans tous les cas, il faut être très réactif. Les actions à prendre peuvent aller jusqu’au licenciement s’il n’y a pas d’autre solution au risque de fragiliser le projet global.
La relations avec les parties prenantes externes est également un point d’attention non négligeable. Au début, je n’ai pas beaucoup parlé du projet de transformation à nos actionnaires. Nous naviguions alors dans un double système dans lequel le budget ne constituait plus un outils de mesure de la performance en interne tout en restant un indicateur clé pour nos investisseurs. Cela peut avoir l’air un peu paradoxal, mais quand résultats ont commencé à porter leur fruits, nous avons de plus en plus communiqué sur ce que nous étions en train de faire. Cela dépend de l’actionnaire, de son profil et de sa personnalité. Quand vos actionnaires sont proches de vos valeurs et de votre état d’esprit, je pense qu’il faut les impliquer dès le départ.
Pour d’autres parties prenantes, comme les clients ou les fournisseurs, nous avons très rapidement fait preuve de transparence. Nous voulions créer une nouvelle relation, basée sur l’intelligence collective. La transformation d’une organisation peut devenir un levier dans la façon dont vous interagissez avec vos clients et vos fournisseurs. Certains d’entre eux ont cherché à comprendre notre démarche et sont venus nous voir, ce qui a renforcé nos relations”.
Quels conseils donneriez-vous aux CEO qui, aujourd’hui, veulent/doivent faire évoluer leur modèle organisationnel et ne savent pas par où commencer ?
“Je leur dirais de commencer petit. D’aller tester le projet dans un service avec un manager qui croit en la démarche, qui la comprend et qui sera prêt à laisser vivre l’expérience jusqu’au bout, quitte à l’entourer d’un cordon sanitaire protecteur si cela s’avère nécessaire (cf – expérience de l’usine Montauban chez Poult).
Les dirigeants de l’entreprise doivent éviter d’intervenir en dictant au reste de l’organisation ce qu’elle doit faire pour se transformer et comment elle doit le faire. Le leadership dans la transformation doit passer par une communication claire et transparente sur les objectifs de la démarche et sur le processus lui-même.
En choisissant de s’orienter vers un modèle plus collaboratif, il faut accepter de lâcher prise et de ne pas toujours disposer de l’information voulue en temps utile. Des corrections seront faites sur le terrain sans que vous ne soyez au courant, pour autant il faut garder le cap. Surtout quand on gère une organisation qui emploie des milliers de personnes.
Enfin, je dirais que mener la transformation d’une organisation ne peut se faire sans une certaine exemplarité de la part du top management, ce qui implique d’assumer et de corriger ses propres erreurs”.
Envie d’en savoir plus sur la transformation du Groupe Poult, regardez le replay de notre webinar avec Carlos Verkaeren et Laurent Ledoux ?
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